A2h

13 novembre 2016

De passage à Besançon pour son concert à La Rodia, A2h s'est confié à nous sur son collectif Palace, sa casquette de musicien/compositeur, sa façon de travailler... Entretien.


La Loge : Pour commencer, on voudrait te parler de Palace. Qu’est-ce que c’est ?

A2h : Palace c'est un collectif que j’ai créé dans les années 2000, à la fin du lycée, quand je me suis lancé à fond dans le son. La plupart des gars qui font partie de cette équipe sont des amis d’enfance et plus ça va, plus on recrute des membres pour nourrir toute l’effervescence artistique qu’il y a autour de ça. En 2014, j’ai transformé le collectif en label, c’est aussi une boite d’édition dans laquelle j’essaie de faire un catalogue d’instrus avec des beatmakers que j’ai signé sur le label, moi aussi étant beatmaker. On essaie de faire un gros catalogue de prod pour qu’on puisse rentrer dans la boucle et proposer des morceaux aux gens qui bossent sur des albums ou des projets.

LL : Tu peux nous citer quelques artistes qui sont sur le label ?

A : Bruck, qui est un jeune rappeur orienté dans une veine principalement boom bap, il a sorti trois EP gratuits sur Haute Culture, à chaque projet il s’améliore, il commence à arriver à maturation. Il y a une chanteuse qui s’appelle Mme Sow, elle a sorti un projet l’année dernière qui est plus RnB, Soul. Il y a aussi Ori, qui est très west coast, il est sur un réseau très kiffeur de G-funk. Il a un peu sa couleur, c’est un grand de mon quartier donc je l’aide à développer ses projets. Il y a beaucoup de mecs du 91 et du 95 qui sont sur ce même réseau. Et Hell Maf, un mec qui tend un peu vers la chanson noire et en même temps un peu le pe-ra. J’essaye de toucher un peu à tout. Ce n’est pas une écurie de rappeur avec tous le même délire, la même ambiance, j’essaie donc de signer des mecs qui ont des trucs à proposer musicalement. Le but n’est pas réellement de faire du buzz, c’est vraiment d’aller au bout des projets. D’ici l’année prochaine ça devrait devenir quelque chose de plus sérieux, on va sortir des trucs dans le commerce, avec un peu plus de budget et des pe-cli plus sérieux. En terme de beatmaker il y a Kobé qui est sur plein de trucs, il bosse avec moi depuis longtemps, Gregarson qui est aussi ingé son, et il y a moi qui fait aussi de la prod. Après, on collabore avec plein d’autres gens pour faire du catalogue d’instrus.

LL : Tu es rappeur mais aussi producteur, pourrais-tu nous dire avec qui tu collabores ?

A : Je fais des catalogues de prods, que je propose aux majors, comme aux indés. Les trucs de majors sur lesquels on travaille, on n’a pas forcément le droit d’en parler. Des fois, on travaille sans être crédités, par exemple des artistes nous achètent les prods ou bien on est ghost producteurs. Ça peut aussi être des prods pour la radio. Il arrive que l’on m’appelle et que l’on me dise de faire une guitare sur un truc, de produire pour untel qui cherche une telle sonorité. Ça peut être des trucs que l’on entend sur NRJ ou Skyrock. Je ne peux pas vraiment citer de noms pour respecter les clauses de confidentialité. En termes d’indé il y a par exemple S.Pri Noir, il m’a appelé pour me dire de passer au studio parce qu’il avait peut-être besoin de guitare, ou Dj Weedim qui me dit qu’il a besoin de deux/trois trucs pour Vald. Je suis à dispo, on m’appelle s’il y a besoin de faire un truc, après ça colle ou ça ne colle pas, je ne dis pas que c’est pris à 100%. Parfois on collabore avec quelqu’un mais au final, il ne prend rien car ça ne correspondait pas à ce qu’il attendait.

LL : Avec qui pars-tu en tournée ?

A : Là, on est dans une formation qui est réduite, on est deux. Normalement on est trois, avec un régisseur, donc quatre dans la formule la plus complète. Mon claviériste, qui envoie des bass-live, joue en live tout ce qui est clavier/orgue/synthé, moi je chante, je joue de la guitare et mon Dj est au drumpad et aux platines. En ce moment, mon claviériste joue avec d’autres groupes et il est pris sur d’autres projets. On enlève donc tous les instruments et on est en mode classique dj/rappeur, Stresh envoie les drums et moi je pe-ra. C’est un truc très question-réponse avec le public, on pull-up des morceaux, c’est très brut. Le concert avec les musiciens c’est un peu plus show, il y a un peu plus de mise en scène, c’est différent. Il y en a qui préfèrent le truc plus brutal, soundsystem, un peu plus brouillon je trouve. D’autres préfèrent le show avec les musiciens ou des morceaux avec la guitare, ça dépend de ce que tu apprécies. J’aime bien les deux formules, elles sont différentes l’une de l’autre. Aujourd’hui on est sur une formule un peu plus soundsystem mais peut-être qu’un autre jour, on sera sur la formule avec les musiciens.

LL : Depuis combien de temps Dj Stresh tourne avec toi ?

A : Avant je bossais avec un dj, un pote à moi, membre du Palace, il a arrêté pour des raisons personnelles. Ça fait donc un peu plus d’un an que je tourne avec Stresh, je m’entends bien avec lui, j’aime bien ce qu’il fait et en plus, il est beatmaker. Je ne me voyais pas juste être guitare/dj, ça faisait un peu chelou. Je voulais un musicien parce que j’avais envie de rajouter de la gratte. J’ai trouvé Alex qui jouait avec Radikal Mc et d’autres rappeurs, il vient plus du Jazz et de la Soul, il était chaud et du coup on a créé cette petite formation et c’est chanmé, on fait des trucs cools.

LL : Comment se passe l’enregistrement d’un morceau au studio ?

A : Y a un complexe à Paris qui s’appelle le AK Studios tenu par Gregarson, un des beatmaker de l’équipe, il est associé à Anh-Ninh qui est mon ingé, elle a mixé la plupart de mes albums/projets et Alex qui est aussi ingé son. A l’intérieur il y a un gros studio pro et un studio plus petit pour ce qui peut être mixtape/EP mais un peu moins cher avec du matos digital. Il existe plein d’autres pièces dont le studio de Dj Weedim et mon home-studio. On est tous un peu dans ce vivier. Là-bas je fais tout ce qui est maquette, préparation, travail de recherche, c’est la pièce où je fais ma cuisine. Une fois que j’ai des sons que je trouve cools, je les fais écouter dans des bagnoles ou à la baraque. J’essaye de faire tourner les brouillons et quand je vois que les gens les apprécient et que je ne m’en suis pas lassé, je décide de les emmener au studio pour enregistrer les instrus définitives. Si je vois bien un gars sur une prod je l’appelle et je lui demande, comme quand j’ai reçu la prod de Chilea’s « Sur ma vie » j’entendais grave S.Pri Noir, je le connais un peu donc je l’ai appelé et je lui ai demandé. En plus en ce moment il est dans un délire grave autotune, je voulais qu’il fasse un truc plus rap comme il faisait un peu avant et il était chaud du coup ça l’a fait. Je travaille beaucoup à l’instinct.

LL : Comptes-tu faire du rap toute ta vie ?

A : De la musique toute ma vie ? Oui, après le rap ça a pris plein de formes différentes. Vald, Kaaris, Chance The Rapper, Kanye West, ils font tous du rap, est-ce que les quatre font la même musique ? Je ne suis pas sûr. Avant le rap c’était une musique de jeunes mais maintenant il y a des mecs de 50-60 piges qui écoutent du rap. Ce n’est plus quelque chose de cantonné aux jeunes. J’ai des potes qui font du pe-ra, ils ont 40 et quelques années, ils ont des gosses de 13-14 ans, le père écoute du rap, le fils écoute du rap. Je pense que ça va être un truc moins identifié jeune parce qu’un jeune qui écoute du rap, quand il aura 50 piges je ne vois pas pourquoi il se mettrait à détester ça. Je pense que l’on peut faire carrière à plus long terme aujourd’hui qu’avant. Avant c’était beaucoup plus dur pour les anciens. Pour nous, ça va être un peu plus simple. Moi j’ai 29 ans, je ne suis pas la nouvelle génération, je ne suis pas vieux non plus, je pense que je vais pouvoir avoir une longévité assez cool. Après ce qui m’intéresse aussi c’est le côté producteur. Être dans le rap oui, être le rappeur en front-live, peut être pas à 50 piges, ou alors à la Oxmo avec une formule assez différente. Sinon être dans le rap ouais je pense. J’ai plus qu’à signer des jeunes pour que le truc se renouvelle, avoir une fraîcheur parce que c’est vrai que des fois quand t’es pas dans la jeunesse, même si tu t’intéresses à tout, tu n’es pas dans la fournaise des jeunes de 20 piges. Même si tu es resté immature ou assez intelligent pour regarder ce qu’ils font, ce n’est pas comme si tu étais dedans. C’est bien de signer des jeunes sur le label ou de les côtoyer pour rester un peu frais, comme Booba par exemple, il reste toujours en connexion avec la jeunesse pour être à jour pour ce qui est des expressions, des sapes. Sinon tu deviens vite un has-been, un vieux loup, c’est le truc à pas faire.

(Dj Stresh entre dans la pièce)

LL : Tu peux nous parler des projets que tu as fait ?

Dj Stresh : Ouais j’ai déjà sorti des projets, plusieurs mixtapes, à l’époque j’accompagnais Youssoupha depuis un petit moment donc j’ai sorti une mixtape juste avant A chaque frère. J’en ai aussi sorti une avec Sam’s. Après, j’ai produit sur différents albums, j’ai produit entre autres pour Youssoupha, j’ai aussi accompagné Ali en produisant deux de ses albums et dernièrement j’ai travaillé pour A2h et pour les studios five un petit peu avant l’été. D’autres projets sont en cours mais pour l’instant je prends le temps. Je viens de gagner la compétition pour faire la finale du Red Bull Thre3Style donc je me concentre dessus. Peut-être qu’il y aura des projets en 2017.

Interview : Toinan

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