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Rap francophone 2019

La rétrospective

04 janvier 2020

A l’heure où certains médias s’empressent dès novembre à faire un bilan de l’année, à trouver une utilité objective aux concours de popularités ou encore à dévoiler des classements injustifiés mais censés être justes, il est plus que temps de se poser, de prendre le temps de se reconcentrer sur la musique et de simplement parler des projets, clips et artistes qui ont marqué l’année, sans être exhaustif, mettre de note ou les comparer. Il ne s’agit donc ici ni d’un classement ni d’un top mais d’une sélection de très bonnes œuvres et d’excellents artistes qu’il est important de connaître pour pouvoir parler du rap français de 2019.


Albums de l'année

13 Block - BLO (cover)

BLO

13 Block

Après l’excellente mixtape Triple S sortie en 2018, 13 Block fait son retour en dévoilant BLO, son premier album. Le groupe de Sevran ne se contente pas de ne faire que ce qu’il a déjà fait avant et de reproduire les mêmes schémas de construction dans chaque track  en effet, chaque membre innove dans sa façon d’interpréter et occupe une fonction différente dans chaque morceau. Le projet comprend bien-sûr des morceaux trap mais le quatuor propose ici de nouveaux styles variés. Cette pluralité se retrouve dans les thèmes et les flows comme dans les ambiances ou encore dans les instrumentales. Les rappeurs continuent de prouver leur complémentarité qui est d’ailleurs d’autant plus forte dans cet album.

Hamza - Paradise (cover)

Paradise

Hamza

Après de nombreux EP et mixtapes, Hamza nous offre son premier album le 1er mars. Avec Paradise, l’artiste va nous transporter jusqu’en été. On y retrouve toujours les sujets préférés d’Hamza, à savoir les femmes, l’argent et la drogue, complétés ici par une tendance plus forte que d’habitude pour l’alcool. Avec une sélection d’invités maîtrisée (SCH, Aya Nakamura, Christine and the Queens et Oxmo Puccino), le rappeur belge livre un album efficace et très bien équilibré, de par les différents morceaux forts. Il pousse ici plus loin sa capacité à fusionner l’anglais et le français, et en adoptant différents flows il réussit à se mêler parfaitement aux prods tout au long de l’album. Privilégiant les sonorités avant toute autre chose, Hamza crée une ambiance souvent planante et dansante. Paradise sera complété de 8 nouveaux titres lors de l’été dans sa version deluxe, toujours en cohérence avec l’esprit de l’album.

Luidji - Tristesse Business saison 1 (cover)

Tristesse Business : Saison 1

Luidji

Teasé plus d’un an avant sa sortie, le premier album de Luidji, Tristesse Business : Saison 1, voit le jour le 26 avril. Dans ce récit musical de sa vie sentimentale, le rappeur est parvenu à trouver les mots exacts pour décrire une partie de son vécu amoureux et de ses ressentis tout en gardant une technique remarquable et une esthétique sonore marquée. Un album agréable dès sa première écoute mais dont il faut comprendre sa conception pour en saisir toutes les subtilités. En effet, connaître l’histoire de sa création permet une compréhension optimale de l’oeuvre mais surtout, et par conséquent, de pouvoir s’identifier à l’artiste. Entre rap et chant, storytelling et égotrip ou encore rires et larmes, Luidji livre, dans une atmosphère prenante, une performance exceptionnelle sur des instrumentales originales. Avec un concept ambitieux et audacieux, Luidji a réussi à offrir un disque différent de tout ce qu’on peut entendre dans le rap français tout en se plaçant comme l’un des artistes les plus reconnus de l’année.

Makala - Radio Suicide (cover)

Radio Suicide

Makala

Sorti le 21 juin, le premier album de Makala était très attendu et a été acclamé dès sa parution. Certains pourraient le décrire de visionnaire, d’autre d’extravagant ou même de perturbant, mais Radio Suicide est avant tout une expérience inédite que chacun ressent différemment, tout simplement car personne ne sait comment réagir face à quelque chose que l’on n’a jamais entendu avant. Et si cette description peut décourager certain de l’écouter, il faut savoir que ce projet reste un album de rap, avec des bangers, des morceaux dansants, d’autres plus calmes, des couplets rappés et des refrains chantés (l’inverse aussi)  mais il est pourtant loin de ne se résumer qu’à cela. En effet, derrière une diversité incomparable et une inventivité sans pareils, se cache une puissante volonté de créer une musique strictement nouvelle et de révolutionner le genre. Cet album ne propose pas un univers musical unique, il l’impose. Makala et Varnish La Piscine ont façonné ensemble ce disque et ont livré chacun des performances stupéfiantes. Innovante et ovationnée, Radio Suicide est une œuvre importante pour la culture rap.

JuL - Rien 100 Rien (cover)

Rien 100 Rien

JuL

Annoncé deux jours avant sa sortie, Rien 100 Rien, le 18ème projet de JuL, sort le 12 juin. Varié et loin d’être monotone, cet album met fin à toutes les reproches qui persistaient sur l’artiste et sa musique. Le rappeur marseillais est au meilleur de lui-même et prouve son habileté en pouvant écrire des textes personnels et touchants comme des couplets dansants et des refrains festifs. Avec des featurings réussis et des hits efficaces, le J continue à fortifier son style unique tout en s’aventurant dans de nouveaux genres en expérimentant d’autres sonorités.

EPs et Mixtapes de l'année

Loveni - Une nuit avec un bon gamin (cover)

Une nuit avec un bon gamin

Loveni

C’est durant l’hiver que Loveni nous dévoile son projet Une nuit avec un bon gamin, et effectivement, on peut s’imaginer suivre le rappeur dans une ride parisienne pendant toute une nuit. Avec ses camarades de toujours (Ichon, Myth Syzer, Jeune LC…), on l’accompagne dans cette traversée nocturne rythmée par l’alcool, la drogue et les femmes et où rien n’est vraiment prévu à l’avance. C’est finalement dans une ambiance envoûtante que l’on découvre un peu plus la liberté du rappeur.

Diddi Trix - Trix City (cover)

Trix City

Diddi Trix

A coup de refrains emballants, de gimmicks fascinantes et de flows exaltants, Diddi Trix nous offre une découverte de sa « ville » à travers Trix City, son premier projet. Avec des instrumentales orchestrées par Aurélien Mazin et Kore, la mixtape dévoile un style musical original et identifiable créé par un artiste à l’écriture et à l’attitude unique. Diddi prouve son talent en offrant un projet à l’univers marqué et caractéristique et pourtant loin d’être répétitif ou ennuyant.

Lala &ce - Le son d'après (cover)

Le son d'après

Lala &ce

Le son d’après, premier projet officiel de Lala &ce, est dévoilé en juin. Avec une ambiance particulière et un style unique, la mixtape alterne entre morceaux sombres et ensoleillés. Composé de douze titres originaux et diversifiés allant de sonorités douces et estivales à des bangers obscures et énergiques, ce projet nous révèle l’étendu du talent de la rappeuse capable de poser sur tout type d’instrumentale avec une multitude de flows tout en gardant une diction qui lui est propre. Différent des albums habituels, LSDA est ce qu’il faut écouter si l’on cherche une expérience musicale inédite et surtout parfaitement maîtrisée.

prince Waly - BO Y Z (cover)

BO Y Z

Prince Waly

C’est dès le début de l’année que Prince Waly a frappé fort en dévoilant BO Y Z, son véritable premier projet solo. Pas moins de six featurings sont présents sur les neuf titres, ce qui permet au rappeur Montreuillois de rythmer son EP tout en explorant d’autres horizons, d’autant plus que ces collaborations sont variées et surtout très bien exploitées. La présence d’une forte diversité et la mise en place d’une réelle ambiance permettent de rendre le projet à la fois complet et cohérent, c’est à dire plus que ce qu’on peut attendre d’un format court.

Key Largo - 500 Key (cover)

500 Key

Key Largo

Le 11 octobre, Key Largo sort son second projet : 500 Key. Comme l’a également fait 13 Block cette année, le duo apporte une certaine modernité à la trap tout en gardant son côté violent et méchant. Pourtant la mixtape est loin de ne se réduire qu’à cela ; en s’étant entouré de nombreux beatmakers, les deux rappeurs ont pu varier leur façon d’interpréter ainsi que l’ambiance entre chaque titre. Le binôme nous propose alors un projet majoritairement festif avec néanmoins des morceaux plus calmes. Entre bangers et raps kickés, Digba et MNKS multiplient les flows avec toujours une adresse impressionnante. De plus, ils nous livrent une collaboration exceptionnelle avec Alpha Wann.

Clips de l'année

PNL - Au DD

Au-delà d’une réalisation irréprochable, d’une esthétique admirable et d’un concept remarquable, le clip de « Au DD » a été un véritable événement cette année. Dévoilé comme une récompense après un live de près de seize heures, ce clip, qui annonce la sortie d’un nouvel album, est un symbole puissant de la place qu’occupent les deux frères et leur musique dans le milieu, ainsi qu’une réelle preuve de l’impact qu’ils peuvent avoir. Cette sortie a marqué l’année, notamment grâce au niveau de qualité du morceau et de son visuel mais aussi à l’effet qu’elle a produit sur le public.

Laylow - Megatron

Pour la fin d’année, Laylow dévoile « Megatron », le premier extrait de son album. Riche en décors, en effets, en concepts et en références, c’est un clip original et bien construit que Osman Mercan nous livre. Avec probablement son visuel le plus abouti, le réalisateur propose une réelle expérience faite avec une puissante inventivité et une maîtrise totale. Un article très intéressant de Konbini sur la création de ce morceau et de son clip est d’ailleurs disponible.

Lomepal - Trop beau

A travers des éléments simples, une esthétique léchée et des images élégantes et suggestives, on assiste au jeu du plaisir et de la torture ainsi qu’au rejet fusionnel de ces deux thèmes qui composent l’amour. Dario Fau prouve une fois de plus l’excellence de son écriture, la qualité de ses performances de mises en scène et particulièrement son talent à diriger les acteurs. Il propose ici une manière plus implicite d’exprimer les choses en se basant plus sur le ressenti que sur la réflexion ; une direction qui permet d’offrir une nouvelle lecture du morceau qui rappelle alors étrangement un ancien titre de Lomepal.

Lefa - Mauvais

Après avoir écrit et réalisé avec brillance « Fame » et « Bitch », Akim Laouar Aronsen répète son association avec Lefa en clippant le morceau « Mauvais » : une vidéo absorbante par son ambiance et son récit qui procure profondément l’envie de voir la suite comme s’il s’agissait de l’extrait d’un long métrage. Le making-of du clip montre d’ailleurs le professionnalisme du tournage qui se révèle alors avoir été très ambitieux et pourtant plus que réussi. C’est ici une mise en scène exceptionnelle et maîtrisée à tous les niveaux qui nous est offerte à travers un visuel atmosphérique et captivant.

Rappeurs de l'année

PNL (photo)

PNL

De la hype créée par un de leur tweet à la sortie de leurs albums en format vinyle en passant par leur partenariat avec Uber, l’ouverture d’un pop-up store ou encore l’annonce spectaculaire de leur tournée, les deux frères sont astucieusement parvenus à être présent tout au long de l’année. En plus d’un album exceptionnel au démarrage prodigieux, le duo a su parfaitement défendre son projet en clippant admirablement certains titres et en dévoilant plusieurs autres morceaux au cours des mois qui suivirent la sortie de l’album. Avec un impact considérable, un talent reconnu et un travail adulé ou du moins estimé de l’honnête critique, PNL se place comme étant le groupe le plus important et légendaire de ces dernières années, tout en restant parmi les plus discrets.

Koba LaD (photo)

Koba LaD

Certains lui prédisaient un succès intense mais court, et pourtant, Koba LaD a prouvé tout au long de ces douze mois que son « buzz » était loin d’être éphémère. Après avoir dévoilé une série de freestyles en début d’année, le rappeur sort son second album intitulé L’Affranchi en avril, puis sa réédition quelques mois plus tard. Une présence qu’il accentuera en sortant plusieurs clips et en étant sur de nombreux albums, certaines de ces interventions donnant naissance à de réels hits comme par exemple sa collaboration avec Dadju ou 100 Blaze. On peut également noter sa présence sur la compilation Game Over vol.2 ainsi que sur celle de Naar, Safar.

Beatmakers de l'année

Phazz (photo)

Phazz

C’est principalement avec Almeria, duo qu’il forme avec Everydayz, que Phazz s’est illustré cette année. En effet, avec Hijo, projet marquant officiellement la création du binôme, le beatmaker a pu montrer son talent pour réunir des artistes exceptionnels avec des instrumentales faites sur mesure. Basé sur une idée originale et construit avec une direction artistique maîtrisée et efficace, cet album nous présente des titres diversifiés et soignés avec un ordre réfléchi des morceaux et une certaine harmonie créée par les interludes. En plus d’avoir placé plusieurs titres sur les albums d’Oxmo Puccino, de Leto et de Dabs, Phazz a produit pour SCH, RTT Clan, So Sama, Alonzo et bien-sûr pour Koba LaD avec le hit « RR 9.1 ».

Varnish La Piscine (photo)

Pink Flamingo

Cette année, Pink Flamingo aka Varnish La Piscine a particulièrement su se démarquer des autres producteurs avec notamment son travail sur son second projet ainsi que sur le premier album de Makala. En ce qui concerne Le regard qui tue, son projet "personnel", il est plutôt difficile d’évaluer uniquement son talent de beatmaker puisque l’oeuvre s’étudie dans sa globalité ; on peut tout de même affirmer que l’excellence de ce véritable film auditif et sans aucun doute lié à un travail sonore exceptionnel. De plus, avec Radio Suicide, c’est une performance presque inédite qu’il offre en produisant seule la totalité des titres et en proposant des sonorités différentes à chaque morceau et pourtant toutes uniques et jamais entendues. En dehors de ces projets, l’artiste à produit essentiellement les morceaux sur lesquels il était présent en tant qu’interprète, c’est à dire ses apparitions sur les projets de DeWolph et de Di-Meh, mais aussi son morceau de la compilation La Relève de Deezer. Il a néanmoins pu nous offrir une excellente instrumentale faite en collaboration avec Vladimir Cauchemar dans un morceau bonus de l’album de Roméo Elvis.

Ikaz Boi (photo)

Ikaz Boi

Avec une présence plus rare qu’en 2018, ce n’est pas avec moins de qualité qu’Ikaz Boi a marqué l’année. En ayant produit pour Hamza, Niska, Leto ou encore Triplego, le beatmaker a pu être présent sur des albums importants de l’année ; mais c’est avec ses projets solos qu’il a frappé le plus fort. En effet, on a pu profiter fin septembre de Brutal 2, un excellent projet marqué par des productions minutieuses et des invités exceptionnels, le tout dans une harmonie soignée ; puis deux mois plus tard du troisième volume, composé entièrement d’instrumentales rythmées par des collaborations et disponible uniquement en vinyle.


Rythmée par les sorties de beaucoup de poids lourds mais aussi par des rééditions de plus en plus nombreuses, 2019 fut une année très vive pour le rap français et c’est une fois de plus un nombre gigantesque de projet qui ont vu le jour en l’espace de douze mois ; on a pu assister à la révélation et l’ascension de nombreux artistes, à la confirmation d’autres, mais aussi à la disparition de certains… En vous souhaitant une très bonne année 2020, on vous invite à (re)découvrir les différents projets cités dans cet article.

Rédaction : Toinan / Alxs

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