Espiiem : humilité et noblesse

03 mars 2021

Après une pause de quatre ans, le rappeur parisien Espiiem revient avec le morceau « Rare » et son clip, sorti le 30 septembre 2020. On y retrouve un Espiiem fidèle à lui-même rappant des paroles profondes sur une instrumentale percutante, le tout illustré d’un clip en noir et blanc. Comme à son habitude, il ne fait pas dans l’ostentatoire, et ne cherche pas à choquer les auditeurs avec une image extravagante, mais seulement grâce à des textes travaillés et un flow maitrisé. Le rappeur poursuit son retour avec un second clip posté un mois plus tard, « Réel », dont l’atmosphère musicale est dans la même veine que le précédent. Ce retour est une bonne occasion pour revenir sur la riche carrière musicale et sur la personnalité inspirante de cet artiste.


Un parcours musical éclectique

Espiiem commence le rap au sein du groupe Cas de Conscience, avec L’Étrange, l’Homme de l’Est, et Fils Prodige. Ensemble, ils écument les open-mics à Paris et en région parisienne. Leurs prestations sont remarquées parce qu’ils dégagent une aura mystérieuse. A part ça, le groupe n’a pas sorti de projet et reste assez méconnu aujourd’hui : il n’a laissé que quelques morceaux sur Internet. Le morceau « De la Peine, des Cris et du Rêve » représente bien l’identité du groupe. Malheureusement, Cas de Conscience arrête son activité à la mort de l’Homme de l’Est en 2011.

La même année, Espiiem collabore avec The Hop, un groupe acoustique qui faisait, à cette époque, principalement des sessions lives en featuring avec des artistes différents. Cette collaboration donne jour à un EP appelé The Hop, sur lequel apparaissent aussi le rappeur Kema et la chanteuse Sabrina Bellaouel. On les retrouvera sur le premier EP d’Espiiem intitulé L’Été à Paris sorti en 2012 et marquant le début de la carrière solo du rappeur. Le mélange des sonorités hip‑hop, soul et funk donne un projet aux ambiances planantes.

En 2013, Espiiem commence à réunir un petit public autour de lui et à façonner son identité musicale avec la sortie du dix titres Haute Voltige. Il séduit les auditeurs avec sa façon de manier plusieurs flows très différents en un morceau. Un an plus tard, il sort Cercle Privé, album limité à 500 exemplaires physiques. Cette idée de sortir un projet destiné à une audience réduite illustre bien la philosophie du rappeur : les chiffres ne l’intéressent pas, il veut simplement concevoir de la bonne musique et la partager avec des passionnés. Encore aujourd’hui, il est difficile de trouver des extraits de Cercle Privé. Enfin, Espiiem sort Noblesse Oblige, son premier album, en novembre 2015. Le rappeur propose quelque chose de très varié. Il mélange encore une fois des sonorités acoustiques et rap. Peu importe la prod, Espiiem dégage un vrai charisme. On le retrouve notamment en feat avec Deen Burbigo, ou Esso Luxueux. En parallèle de sa carrière solo, il fait des apparitions sur des projets d’autres rappeurs, comme Eff Gee, Veerus ou Lomepal.

Orfèvre Label

En octobre 2016, Espiiem annonce mettre fin à sa carrière solo pour se consacrer pleinement au développement d’Orfèvre label, qu’il a créé quelques mois plus tôt. Ce label s’accompagne d’une structure plus large (studio d’enregistrement, production audiovisuelle, agence de communication…) nommée « Noble », qu’il met à disposition des artistes, pas seulement à ceux du label. En outre, au vu de sa large influence, Orfèvre s’apparente plus à un collectif qu’à un label traditionnel. Le studio est ouvert à tout le monde, Coelho y a par exemple enregistré son projet Philadelphia, et plus récemment on a pu y apercevoir Sean qui y fait régulièrement des passages.

Au début de la pause d’Espiiem, pour marquer sa création, Orfèvre Label entame la saison 1 de l’Orfèvrerie. Il met en ligne chaque semaine un EP trois titres pour présenter les artistes et beatmakers qu’il produit (NxxxxxS, Astronote, Chilea’s, $oudiere…). S’en est suivie une seconde saison, avec les EP de Reef, Elotomi ou encore Sabrina Bellaouel, puis l’Orfèvrerie s’est arrêtée. Bien évidemment, Orfèvre continue toujours de développer ses talents. Par ailleurs, le label ne se focalise pas uniquement sur le rap et propose une vraie diversité musicale parmi ses artistes signés dessus.

Une sobriété artistique revendiquée

Sobriété et simplicité ont toujours été les maîtres mots d’Espiiem. Il revendique une direction artistique épurée avec des clips en noir et blanc, et avec de rares effets spéciaux et très peu de cuts. Le montage crée donc un rythme plus lent, qui contraste avec les clips très rythmés et saccadés que l’on voit beaucoup actuellement. En plus de cela, Espiiem a des textes techniques avec des paroles philosophiques empreintes de spiritualité. Il prône le contrôle de soi face aux tentations nocives comme la drogue ou l’appât du gain. Il veut se démarquer des rappeurs qui jouent la carte de l’extravagance et de la provocation, et qui produisent beaucoup de projets en très peu de temps, parfois au détriment de la qualité. Espiiem, lui, soigne la qualité plutôt que la quantité. L’humilité et la sincérité sont des qualités largement reconnues chez lui, en témoigne son album Noblesse Oblige qui était d’abord une promesse faite à l’Homme de l’Est, à qui il rend hommage dans le morceau éponyme.

Cette sobriété artistique n’a peut-être pas permis à Espiiem d’être surmédiatisé comme certains autres artistes, mais il reste néanmoins une véritable référence dans la sphère rap parisienne. Son authenticité semble forcer le respect. Dans plusieurs interviews, certains rappeurs le présentent comme une source d’inspiration, notamment Tengo John, Nekfeu ou encore Lomepal.


À l’image de cette sobriété, son retour n’est pas « fracassant » ; il n’a pas beaucoup communiqué dessus et on ne sait pas ce qu’il nous réserve. Quoiqu’il en soit toute la carrière d’Espiiem montre que son retour au rap est une très bonne nouvelle.

Rédaction : Angèle P.

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